Sur ce point, tout d’abord, il est significatif que les personnes engagées dans une Voie de réalisation spirituelle soient frappées par le désintérêt et la capacité d’oubli envers l’histoire dont font preuve, de façon générale, les Occidentaux et les occidentalisés (ce qui revient au même, les Occidentaux, initialement chrétiens, ayant été les premiers « occidentalisés », les premières populations ayant subi cette transformation radicale de la nature humaine appelée « occidentalisation », un terme qui recouvre une opération savante de profanation systématique, de laïcisation de toute chose, de tous et de chacun), et ceci d’autant plus que l’histoire se rapporte à des faits plus anciens, particulièrement s’ils ont une connotation sacrée, ce qui va souvent de pair. Ce désintérêt et cet oubli sont particulièrement significatifs car ils portent sur l’essentiel ; or, dans les circonstances actuelles, on observe que fort peu de personnes sont encore à même de se demander si ces tendances problématiques ne seraient pas soigneusement entretenues. On mesure ainsi l’importance déterminante de « l’information » dans l’entreprise de « calibrage » mental des masses, un terme certainement plus approprié que celui de normalisation cher aux psychiatres.
Il n’en reste pas moins que les textes sacrés du christianisme - pour s’en tenir à cette forme de monothéisme abrahamique -, que l’histoire sainte, influencent toujours profondément, quoique désormais confusément sinon quasi inconsciemment, les mentalités individuelle et collective des Occidentaux. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le regain de trouble attirance pour les conceptions apocalypticiennes qui se diffusent de nos jours à travers les « masses » occidentales : leurs dirigeants actuels (3), « surfant sur la vague » en quelque sorte, peuvent ainsi mener sans trop de difficultés ces populations sur une voie dont ces dernières seraient bien inspirées de se demander sans tarder s’il est bénéfique pour elles de s’y engouffrer (4). Il en va de même du positionnement non seulement des Occidentaux mais également des occidentalisés face à la nature : un positionnement fortement influencé par des passages de la Genèse dont le sens semble aujourd’hui abscons aux yeux de beaucoup. Quant aux écrits théologiques ou de politique ecclésiastique, certains d’entre eux exercent toujours une influence déterminante, les nombreuses conséquences toujours plus problématiques qui en découlent de nos jours à l’échelle mondiale le montrent suffisamment: en 1545, Calvin ayant remis en cause la condamnation du prêt à intérêt, on sait comment ses émules que furent les premiers « penseurs » capitalistes, tous plus ou moins politiciens, juristes, pasteurs, se trouvant par le fait même justifiés, mirent en branle la conquête d’une nature désormais prédestinée à supporter leurs prévarications. On observe également une certaine suite dans les idées chez ces modernes juristes et historiens du droit qui revêtirent de formes légales, avec les conséquences toujours plus paradoxales qui se font jour (à quand un mariage avec un cactus ?), la désacralisation du mariage décrétée au 16ème siècle par quelques pasteurs protestants.
Il n’est pas nécessaire de donner plus d’exemples de cette multiséculaire propension occidentale mortifère à la profanation, à la déspiritualisation et la désacralisation, à la laïcisation de toute chose, qui par un effet de miroir aboutit « progressivement » à une subversion généralisée, tant de nos jours il tombe sous le sens que l’Occident pollue tout ce qu’il touche (5).
Au vu de nombre de prises de position embarrassées de tant de personnes dont la fonction consiste à réfléchir et répondre aux problèmes civilisationnels contemporains (des prises de position ayant trait non à la simple reconnaissance de ces problèmes, ce qui ne pose pas de difficulté particulière, mais à la connaissance et à la mise en œuvre des moyens permettant leur résolution), il est nécessaire de présenter clairement les enjeux fondamentaux actuels.
Une civilisation parvenue au stade de déspiritualisation que l’on observe de nos jours est moribonde.