Feuille du Centre Culturel Bouddhiste Jôdo-Shinsû Harry Pieper de Montpreveyres, CP 29, 1018 Lausanne.
La perspective linéaire humaniste en peinture: entre non-dualité, unicité, de la sphère spirituelle, source d’énergies vivifiantes de l’icône bidimentionnelle, d’une part, et, d’autre part, technologies digitales de communication, contre-icônes catalysant un mouvement multisé culaire de corruption intellectuelle - « le progrès » - réduisant toutes valeurs à la quantité dans la société contemporaine.
L’homme contemporain, « moderne » dans la mesure où il cautionne, plus ou moins consciemment, des représentations déspiritualisées, désacralisées : profanes, laıq̈ ues, naturalistes, progressistes, scientifico-agnostiques, pour n’en citer que quelques-unes, est d’autant plus porté à faire preuve de suffisance, d’arrogance, de mépris envers les cultures spirituelles et les hommes qui s’y inscrivent, qu’il fré quente peu ceux-ci, qu’il connaıt̂ moins celles-là .
Peu enclin à voir dans les grandes cultures extra-occidentales des expressions plus ou moins intégrales d’une sagesse universelle, cet homme n’est pas plus disposé à envisager qu’une forme universelle de sagesse ait pu inspirer, non seulement à l’origine mais durant plusieurs siècles, ses propres ancêtres, sa propre civilisation.
S’inscrivant comme par myopie dans le trè s court terme, d’autant moins enclin à prendre en compte la longue duré e que celle-ci se situe derriè re lui, pourquoi cet homme s’inté resserait-il à l’intemporel ?
Depuis deux siècles, souffrant d’une sorte de boulimie d’images reproduisant la nature par le truchement de moyens mécaniques, d’autant plus que celles-ci sont animées, cet homme singulier semble incapable d’engager une réflexion portant sur la façon dont ses ancêtres concevaient les images et leurs vertus, et d’envisager que d’importants enjeux puissent sous-tendre le gavage virtuel que lui fait subir la junte politique contemporaine, tant est profonde l’aliénation d’un individu pris de l’irrépressible désir de porter son regard sur des écrans ayant été conçus pour lui faire perdre le sens de la profondeur vé ritable, qui est spirituelle.
Or çà, le point de vue métaphysique, que soutient dans le Christianisme la théologie apophatique, présente l’Absolu de façon surnaturellement naturelle, lumineuse, évidente, ce dont l’art de l’icône rend merveilleusement compte, sans tomber dans le piège redoutable de la sophistication, lui qui est capable d’édifier spirituellement même les êtres peu portés à la contemplation.
Tel n’est pas le cas de la perspective linéaire. En effet, cette dernière est non seulement dépourvue de fondement surnaturel, ne rend compte d’aucune réalisation spirituelle, d’aucune application dans son ordre de principes métaphysiques, ce dont se targuent inconsidérément ses apologistes, mais représente peut-être dans l’histoire la première tentative de négation spirituelle agissant de façon raisonné e sous le couvert d’une technique, et ceci à la vue de tous !